A LA UNE
Women in Science
L'événement « Women in Science » aura lieu à l’ENS vendredi 8 juin à 11:30, salle Jaurès. Cette table ronde réunira trois invitées : Lucie Charles
postdoctorante en neurosciences cognitives à UCL (University College London), Anne Christophe chercheur CNRS et directrice du Laboratoires de Sciences Cognitives et Psycholinguistique (LSCP) et Aude Nyadanu
doctorante en chimie à l'École Polytechnique & l'École Normale Supérieure, lauréate du prix L'Oréal-UNESCO "Pour les Femmes et la Science".
Les organisatrices de « Women in Science » nous en disent un peu plus au sujet de cet événement.
Nura Sidarus est postdoctorante en neurosciences cognitives à l’Institut Jean Nicod (IJN), Naomi Havron fait un postdoctorat sur l’acquisition du langage au LSCP
au sein duquel Si Berrebi est doctorante en linguistique.
Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d'organiser cet événement ?
Nous avions le sentiment qu’il y avait beaucoup de discussions isolées sur les difficultés rencontrées par les gens, mais aucune discussion organisée. Nous voulions créer un espace dédié à une discussion éclairée sur les problèmes existants et les difficultés rencontrées par les femmes dans le milieu universitaire. Nous avons besoin de mettre en commun les ressources et les connaissances existantes pour avancer et faire évoluer la situation des femmes.
Notre objectif est de créer une plateforme pour que puissent s’exprimer des femmes à différents stades de leur carrière, de différentes générations, de différents pays, dans différents champs de recherche.
Aude Nyadanu est doctorante en chimie à l’ENS et à l’Ecole Polytechnique, avec une expérience à la fois dans le milieu universitaire et en tant qu’entrepreneur. En tant que lauréate du prix L’Oreal-UNESCO “Pour les Femmes et la Science”, Aude partagera ce qu’elle a appris à
travers son engagement actif dans la promotion de la place des femmes dans la science. Lucie Charles est postdoctorante en neurosciences cognitives à UCL. Activiste de l'égalité des sexes, elle a étudié à l'ENS et complété son doctorat à NeuroSpin, apportant ainsi une perspective comparative importante du milieu universitaire dans ces deux cultures. Anne Christophe est directrice du LSCP. Elle a également travaillé dans plusieurs pays et donnera son point de vue en tant que scientifique accomplie et expérimentée. Anne Christophe a aussi encadré des étudiants et a participé à divers comités d’évaluation (ANR, ERC, recrutement...).
En réunissant ces perspectives variées, nous souhaitons apporter une meilleure compréhension de ce que nous pouvons faire pour réduire les inégalités, en tant qu’homme ou femme, à tous les stades de carrière, au niveau individuel et institutionnel.
La sous-représentation des femmes en science est un problème global qui touche à toute l’organisation de la société. Quelles sont les causes de ce constat? Les stéréotypes et les idées reçues ?
Il existe de nombreuses raisons connues qui favorisent les inégalités. Nous aborderons certains de ces stéréotypes, les biais implicites, le fardeau supplémentaire et les attentes auxquelles font face les mères. Nous aborderons également les solutions possibles et les actions que les personnes de tous les genres, à différents stades de carrière, peuvent adopter pour améliorer la situation - pour eux-mêmes et pour les autres.
Le problème de la place des femmes dans la recherche semble être universel. Notez-vous cependant des différences d'un pays à un autre ?
Bien que de nombreux problèmes soient universels, il y a certainement beaucoup de variabilité dans la sensibilisation et la visibilité du problème, ainsi que des discussions autour de celui-ci et dans les efforts institutionnels déployés pour améliorer la situation.
Par exemple, Naomi pense que certaines choses sont un peu plus faciles en Israël qu'en France. Il y a un plus grand nombre de mères qui étudient,
les universités en tiennent compte et sont mieux équipées : salles pour allaiter, crèches etc. Ceci souligne également les attentes des
femmes à exceller à la fois en tant qu'étudiantes et en tant que mères. Nura, qui a étudié à UCL, pense aussi que la question de l'égalité
des sexes est plus discutée au Royaume-Uni et que les efforts institutionnels visant à réduire les inégalités dans le recrutement du
personnel (par exemple les Athena Awards), ou les programmes de soutien, comme le mentorat, sont plus répandus qu'en France.
Quelles difficultés avez-vous rencontré (si vous en avez rencontrées en tant que femmes) durant votre parcours dans la recherche ?
Naomi : Les difficultés rencontrées par les femmes sont devenues évidentes pour moi quand je suis devenue mère. Les difficultés existaient déjà avant cet événement, bien sûr, mais je les avais ignorées, pensant qu’en travaillant de toutes mes forces, je ferais forcément mes preuves. Et puis, quand j'ai dû quitter le laboratoire tôt ou manquer une conférence à cause de mes enfants, j'ai été jugée différemment des hommes. Lorsqu’il s’agissait de moi, cela n’était pas professionnel et était la preuve de mon manque d’implication dans la recherche. Quand il s’agissait de mes collègues masculins, cela soulignait leur implication en tant que parents.
Si : J'étais instructrice d'une classe de lecture académique. Un jour, durant un cours, deux termes à connotation sexiste et raciste ont été utilisés. Je suis intervenue pour rappeler que la classe est un endroit où tout le monde doit se sentir « à l’aise », et qu’utiliser de tels termes naïvement est scientifiquement faux. L’observation la plus importante que j'ai tirée de cette situation a été que les étudiants avaient tendance à me juger moins compétente pour parler de genre et de race, parce que je suis une femme de couleur; ils me considéraient comme «émotionnellement impliquée» ou «partiale», alors qu'en fait j'étais plus informée qu’eux, et que j’étais leur professeur.
Nura : De ma propre expérience, et en parlant à de nombreux collègues, les problèmes liés à la confiance en soi et au «syndrome de l'imposteur» semblent être un autre moyen insidieux par lequel les inégalités entre les sexes s’expriment. Les femmes peuvent être moins enclines à parler, à poser des questions, ou bien elles risquent d’être moins écoutées lorsqu'elles parlent. Ceci peut conduire à une visibilité réduite dans leur domaine, ou leur faire rater des opportunités de networking ou d’emploi. Je pense aussi qu'il est important de garder à l’esprit que, même si nous avons eu de la chance et que nous n'avons pas personnellement remarqué de difficultés spécifiques liées au genre, cela ne devrait pas nous conduire à accepter sans le questionner un système qui est désavantageux pour beaucoup. De plus, de nombreuses solutions d'amélioration ont le potentiel de bénéficier à tous.
En créant, dès 2001, la Mission pour la place des femmes, le CNRS a été le premier organisme de recherche en France à se doter d’une structure dédiée pour faire progresser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Des actions de sensibilisation, des mesures visant à accroître la parité ont été réalisées. Des progrès ont été enregistrés au CNRS au cours de ces dix dernières années mais il reste encore du chemin à parcourir pour que l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes deviennent une réalité.
L'objectif de "Women in Science" est de participer / faire avancer le débat ?
Oui, notre objectif est de nous joindre au débat et de le promouvoir. La «Mission pour la place des femmes» du CNRS est clairement un effort institutionnel nécessaire et important. Nura a participé au récent atelier des femmes scientifiques organisé par le CNRS lors de la Journée internationale de la femme (le 8 mars dernier) et a entendu parler des différents programmes promus par cette initiative. Nous avons également récemment entendu parler de l'existence d'une «référente parité» à l'ENS, et nous sommes impatientes de voir ce type d’initiative se multiplier. Nous pensons qu'il y a de la place pour tout le monde, une initiative n'exclut pas les autres! C'est d’ailleurs formidable que notre table ronde soit une occasion supplémentaire pour tous de prendre part à cette discussion importante.
Quel format aura l’évènement ?
L'événement commencera par une brève introduction pour présenter des statistiques et des études qui démontrent les inégalités actuelles entre les sexes en science. Suivra une discussion au sein de la table ronde durant laquelle chaque invité partagera son point de vue. Enfin, le public sera invité à participer à une discussion ouverte sur leur expérience, et à donner leurs suggestions sur le sujet.
Nous invitons tout le monde, quel que soit leur sexe, carrière, ou domaine académique, à se joindre à cette discussion!
Pour des raisons liées à la logistique, merci de vous inscrire ici.
DISTINCTION
Académie des sciences morales et politiques - Remise de l’épée d’académicien à Daniel Andler
Daniel Andler a été élu à l'Académie des sciences morales et politiques dans la section Philosophie. La cérémonie de remise de l'épée
d'académicien a eu lieu lundi 28 mai 2018 à l'Institut de France.
Daniel Andler a d’abord été mathématicien, spécialiste de théorie des modèles (une branche de la logique) ; il a enseigné les mathématiques à Paris 7 et dans d'autres universités pendant une vingtaine d’années. Il s’est ensuite orienté vers la philosophie des sciences, en se spécialisant dans les sciences cognitives. Il a enseigné successivement à Lille, à Nanterre et à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV), où il a créé l’unité de recherche « Sciences, normes, décision ». Il est aujourd'hui professeur émérite et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. À l’École normale supérieure, il a été le directeur fondateur du Département d'études Cognitives de 2001 à 2005. En 2006, il a créé le Groupe Compas, un think tank consacré aux rapports entre éducation, cognition et nouvelles technologies.
Académie des sciences morales et politiques
Crédit photos : Juliette Agnel
NOMINATION
Stefano Palminteri nommé "Lead Author" du rapport "Enlightenment 2.0" du Joint Research Centre (JRC)
L'objectif est de comprendre et d'expliquer les éléments qui influencent les décisions politiques et le discours politique afin de comprendre
comment les prises de décisions politiques peuvent être mieux éclairées par des preuves scientifiques.
Stefano Palminteri est chercheur au Laboratoire de neurosciences cognitives computationnelles où il dirige l'équipe Human Reinforcement Learning.
En savoir plus sur l'initiative "Enlightenment 2.0".
En savoir plus sur Stefano Palminteri
PROJET
Le projet "Detecting Intentions, Predicting Actions: An exploratory pilot" conduit par Alda Mari (directrice de recherche CNRS, membre de l'Institut Jean Nicod) a été retenu par le Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur (CHEMI)
À la croisée de la sémantique formelle et de la linguistique computationnelle, ce projet vise, à long terme, à analyser et à extraire les intentions des utilisateurs à partir des messages sur les réseaux sociaux dans le but de prédire leurs actions probables. L'objectif est d'apporter : (1) Une compréhension très précise de la façon dont les intentions et les actions sont exprimées dans la langue naturelle; (2) Une nouvelle collection de données sur les textes des réseaux sociaux français annotés selon l'intention de l'auteur; et (3) de nouvelles solutions pour en déduire automatiquement les actions futures reposant sur une forte synergie entre les techniques de traitement automatique du langage naturel et une analyse sémantique formelle approfondie des signaux d'intention.
Le projet exploratoire développé pour le ministère de l'Intérieur a pour but de couvrir ces trois objectifs pour une série limitée d'expressions d'intention dans des textes centrés sur la gestion de crise lors de catastrophes naturelles ou attentats.
Le projet "Detecting Intentions, Predicting Actions: An exploratory pilot" sera conduit par Alda Mari en collaboration avec Farah Benamara de l'Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT).
MEDIAS
Joëlle Proust sur France Culture
Joëlle Proust - philosophe et directrice de recherche émérite au CNRS, membre de l'Institut Jean Nicod - sera l'invitée d’Etienne Klein dans l’émission « La conversation scientifique » qui sera diffusée le 9 juin à 16h pour échanger sur le thème de la nature de la pensée.
Site internet de l'émission
Le Babylab sur France2
Reportage de Laurence Beauvillard au BabyLab du LSCP avec Anne Christophe, directrice du LSCP, et Mireille Babineau, post-doctorante au LSCP, diffusé dans Télématin sur France 2
.QUELQUES PUBLICATIONS RECENTES
Dautriche, I., Fibla, L., Fiévet, A.-C. & Christophe, A. (2018). Learning homophones in context: Easy cases are favored in the lexicon of natural languages, Cognitive Psychology, 104, 83-105
Résumé : Even though ambiguous words are common in languages, children find it hard to learn homophones, where a single label applies to several distinct meanings (e.g., Mazzocco, 1997). The present work addresses this apparent discrepancy between learning abilities and typological pattern, with respect to homophony in the lexicon. In a series of five experiments, 20-month-old French children easily learnt a pair of homophones if the two meanings associated with the phonological form belonged to different syntactic categories, or to different semantic categories. However, toddlers failed to learn homophones when the two meanings were distinguished only by different grammatical genders. In parallel, we analyzed the lexicon of four languages, Dutch, English, French and German, and observed that homophones are distributed non-arbitrarily in the lexicon, such that easily learnable homophones are more frequent than hard-to-learn ones: pairs of homophones are preferentially distributed across syntactic and semantic categories, but not across grammatical gender. We show that learning homophones is easier than previously thought, at least when the meanings of the same phonological form are made sufficiently distinct by their syntactic or semantic context. Following this, we propose that this learnability advantage translates into the overall structure of the lexicon, i.e., the kinds of homophones present in languages exhibit the properties that make them learnable by toddlers, thus allowing them to remain in languages.
Fort, M., I. Lammertink, S. Peperkamp, A. Guevara-Rukoz, P. Fikkert & S. Tsuji (2018). SymBouKi: a meta-analysis on the emergence of sound symbolism in early language acquisition, Developmental Science, 2018;e12659
Résumé : Adults and toddlers systematically associate pseudowords such as "bouba" and "kiki" with round and spiky shapes, respectively, a sound symbolic phenomenon known as the "bouba-kiki effect". To date, whether this sound symbolic effect is a property of the infant brain present at birth or is a learned aspect of language perception remains unknown. Yet, solving this question is fundamental for our understanding of early language acquisition. Indeed, an early sensitivity to such sound symbolic associations could provide a powerful mechanism for language learning, playing a bootstrapping role in the establishment of novel sound-meaning associations. The aim of the present meta-analysis (SymBouKi) is to provide a quantitative overview of the emergence of the bouba-kiki effect in infancy and early childhood. It allows a high-powered assessment of the true sound symbolic effect size by pooling over the entire set of 11 extant studies (six published, five unpublished), entailing data from 425 participants between 4 and 38 months of age. The quantitative data provide statistical support for a moderate, but significant, sound symbolic effect. Further analysis found a greater sensitivity to sound symbolism for bouba-type pseudowords (i.e., round sound-shape correspondences) than for kiki-type pseudowords (i.e., spiky sound-shape correspondences). For the kiki-type pseudowords, the effect emerged with age. Such discrepancy challenges the view that sensitivity to sound symbolism is an innate language mechanism rooted in an exuberant interconnected brain. We propose alternative hypotheses where both innate and learned mechanisms are at play in the emergence of sensitivity to sound symbolic relationships.
Su, M., Zhao, J., Thiebaut de Schotten, M., Zhou, W., Gong, G., Ramus, F., & Shu, H. (2018).
Alterations in white matter pathways underlying phonological and morphological processing in Chinese developmental dyslexia. Developmental Cognitive Neuroscience, 31, 11-19.
Résumé : Chinese is a logographic language that is different from alphabetic languages in visual and semantic complexity. Thus far, it is still unclear whether Chinese children with dyslexia show similar disruption of white matter pathways as in alphabetic languages. The present study focused on the alteration of white matter pathways in Chinese children with dyslexia. Using diffusion tensor imaging tractography, the bilateral arcuate fasciculus (AF-anterior, AF-posterior and AF-direct segments), inferior fronto-occipital fasciculus (IFOF) and inferior longitudinal fasciculus (ILF) were delineated in each individual's native space. Compared with age-matched controls, Chinese children with dyslexia showed reduced fractional anisotropy in the left AF-direct and the left ILF. Further regression analyses revealed a functional dissociation between the left AF-direct and the left ILF. The AF-direct tract integrity was associated with phonological processing skill, an ability important for reading in all writing systems, while the ILF integrity was associated with morphological processing skill, an ability more strongly recruited for Chinese reading. In conclusion, the double disruption locus in Chinese children with dyslexia, and the functional dissociation between dorsal and ventral pathways reflect both universal and specific properties of reading in Chinese.
Sundara, M., C. Ngon, K. Skoruppa, N. Feldman, G. Molino Onario, J. Morgan & S. Peperkamp (2018). Young infants’ discrimination of subtle phonetic contrasts. Cognition 178, 57-66.
Résumé : It is generally accepted that infants initially discriminate native and non-native contrasts and that perceptual reorganization within the first year of life results in decreased discrimination of non-native contrasts, and improved discrimination of native contrasts. However, recent findings from Narayan, Werker, and Beddor (2010) surprisingly suggested that some acoustically subtle native-language contrasts might not be discriminated until the end of the first year of life. We first provide countervailing evidence that young English-learning infants can discriminate the Filipino contrast tested by Narayan et al. when tested in a more sensitive paradigm. Next, we show that young infants learning either English or French can also discriminate comparably subtle non-native contrasts from Tamil. These findings show that Narayan et al.'s null findings were due to methodological choices and indicate that young infants are sensitive to even subtle acoustic contrasts that cue phonetic distinctions cross-linguistically. Based on experimental results and acoustic analyses, we argue that instead of specific acoustic metrics, infant discrimination results themselves are the most informative about the salience of phonetic distinctions.