A LA UNE
Entretien avec quatre post-doctorants recrutés par l'Institut d'étude de la cognition (IEC)
Le LabEx Institut d'étude de la congition (IEC) soutient la recherche au DEC et encourage les collaborations entre ses équipes. En 2015, quatre post-doctorants ont été recrutés par l’IEC pour une durée de deux ans afin de travailler sur des projets interdisciplinaires innovants. Chacun sous la tutelle de deux chercheurs des équipes de l'Institut, Pierre Jacquet, Rupesh Kumach, Stephen Whitmarsh et Tal Linzen nous parlent d'eux et de leurs travaux de recherche.
Pouvez-vous vous présenter ?
SW : Je suis né aux Pays-Bas près d’Amsterdam (aucun endroit n'est vraiment éloigné d'Amsterdam aux Pays-bas !) où j’ai étudié la psychologie cognitive. J’ai ensuite habité Nijmegen où Henk Barendregt a décidé de dédier sa vie non pas à sa spécialité, le calcul lambda, mais à son autre passion, la méditation. Sous la co-supervision d’Ole Jensen, j’ai effectué mon doctorat avec Henk Barendregt au Donders Center for Cognitive Neuroimaging. Le titre de mon doctorat est devenu "Metacognition and Non-reactivity in Mindfulness" (Métacognition et non-réactivité dans la pleine conscience). J'ai tenté d'ouvrir ce sujet complexe à la recherche en neurosciences. Par exemple, l'un des processus cognitifs pendant la méditation est la pleine conscience de l'esprit tout en essayant de maintenir l'attention sur le corps. Pour tester si cela est possible, j'ai laissé les sujets méditer tout en enregistrant leur activité cérébrale en utilisant la magnétoencéphalographie ( MEG ). J’ai mesuré le rythme alpha ( ~ 10Hz ) comme un marqueur de l’attention et testé si les sujets étaient en mesure de faire un compte-rendu précis de leur (in)attention, ou si tout ce débat sur la pleine conscience de soi était dans leur imagination. Avant de déménager à Paris en décembre dernier, je vivais à Stockholm où j’ai participé à la mise en place du Centre national Suédois MEG (NatMEG).
TL : J’ai obtenu mon doctorat à l’université de New-York au département de linguistique en septembre 2015.
Mes travaux portaient sur la compréhension probabiliste du langage. Imaginez que vous lisiez les premiers
mots d’une phrase. Il y a en général plusieurs continuations possibles.
Les psycholinguistes ont des raisons de croire que nous sommes capables de prédire certaines de ces continuations avant de les lire ;
nous attribuons une certaine probabilité à chacune des continuations possibles. J’ai utilisé un ensemble de méthodes – enregistrements
neuronaux, expériences dans lesquelles on mesure le temps de lecture, et modèles computationnels - pour découvrir ce que nous prédisons précisément quand
nous comprenons un mot ou une
phrase, et dans quelle mesure les difficultés de compréhension dépendent des probabilités que nous attribuons à chacune des continuations possibles.
PJ : Je suis né à Annecy (Haute-Savoie, France) en 1980 et j’ai grandi jusqu’à mon adolescence dans un petit village des Alpes françaises où l’artisanat,
l’élevage, l’agriculture et les sports de montagne rassemblaient la quasi-totalité des habitants. Pas vraiment de porte ouverte sur la science donc.
En revanche, notre vie était organisée autour de la montagne, de la faune et de la flore, ce qui à mon sens a fortement contribué à éveiller ma curiosité
pour le Vivant en général, ainsi que mon besoin de vouloir en comprendre les mécanismes sous-jacents.
J’ai obtenu un baccalauréat Littéraire en 1998, puis une licence de Philosophie à l’Université Pierre-Mendès
France de Grenoble en 2001, avec un intérêt majeur pour l’histoire des idées scientifiques en général,
et en biologie de l’évolution en particulier. J’ai ensuite passé à la fin de l’année 2001 six mois à l’
Université du Québec à Montréal en tant qu’étudiant visiteur pour suivre un bachelor en Philosophie.
C’est au cours de mon séjour au Canada que j’ai découvert plus profondément les sciences cognitives,
grâce aux cours – marquants – des Professeurs Luc Faucher et Pierre Poirier. Cette découverte m’a amené
en 2002 à quitter le champ de la philosophie pour me tourner vers l’étude des sciences cognitives et de
la neuropsychologie à l’Université Lumières de Lyon. Entre 2006 et 2007, j’ai obtenu un master professionnalisant
en Neuropsychologie Clinique à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, ainsi qu’un master spécialité Recherche
en Neuropsychologie à l’Université Lumières de Lyon. Suite à l’obtention de ces diplômes, j’ai travaillé en tant
que neuropsychologue clinicien et assistant de recherche à l’Hôpital Psychiatrique Le Vinatier et à l’Institut des
Sciences Cognitives de Lyon sous la supervision de Nicolas Franck, participant à l’élaboration de programmes de
remédiation cognitive destinés aux personnes souffrant de schizophrénie. Au début de l’année 2008, j’ai
occupé pendant trois ans un poste au département de psychologie de l’Université de Bologne (Italie), travaillant
en tant qu’assistant de recherche sur un projet de recherche multicentrique européen ROSSI (Emergence of Communication in RObots
through Sensorimotor and Social Interaction). Parallèlement à cette activité, j’ai pu intégrer le "joint international PhD program
in cognitive neuroscience" de l’Université de Bologne, et obtenir mon doctorat en juillet 2012. L’objectif principal de ce projet réalisé
sous la supervision d’Anna M. Borghi était d’étudier – grâce à l’utilisation de diverses méthodes telles que la
psychophysique classique, la stimulation magnétique transcranienne (TMS), et les modèles computationnels évolutionnaires –
la contribution des contraintes sensori-motrices et des informations a priori à la compréhension des actions et l’apprentissage
social chez l’observateur humain. Une fois ce doctorat obtenu, j’ai bénéficié d’une bourse post-doc de deux ans
délivrée par la Fondation Fyssen, ce qui m’a permis d’intégrer l’équipe de Florian Waszak au sein du Laboratoire de Psychologie de
la Perception (LPP) de l’Université Paris-Descartes. Je ne sais comment, mais malgré tout ça, j’ai aussi trouvé le temps d'avoir
deux petites filles ! Cette première expérience de post-doc au LPP m’a permis de me former à l’électro-encéphalographie (EEG), méthode que j'ai
appliquée pour étudier une instance particulière de l’apprentissage social : la conformité sociale. J’ai également apporté
mon expertise en TMS pour travailler sur d’autres projets en collaboration avec Thérèse Collins.
RK : Je viens d’Adoni, une petite ville du sud de l’Inde. Après y avoir obtenu une licence, j’ai intégré
l’université de Jawaharlal Nehru (JNU) à New Delhi où j’ai fait un master en physique. Durant ce master, je me
suis passionné pour les techniques des dynamiques non linéaires et leurs utilisations dans la compréhension des
problèmes biologiques. C’est de là qu’est né mon intérêt pour l’interdisciplinarité. J’ai rejoint ensuite le laboratoire
de recherche sur le sommeil du Prof. B. N. Mallick à la School of Life Sciences, JNU en tant que Junior Research Fellow.
L’équipe travaillait sur le mécanisme neuronal et les fonctions de sommeil et d'éveil, en particuliers la régulation du sommeil
paradoxal pendant le sommeil. Cela m’a permis d’être exposé à plusieurs techniques de neurophysiologie du sommeil et de l'éveil.
Dans ce laboratoire, j'ai eu l’opportunité de créer une équipe de recherche interdisciplinaire impliquant les neurosciences et la physique.
Avec l’aide du Pr. Ram Ramaswamy de la School of Physical Sciences, JNU, nous avons développé des techniques nouvelles
pour comprendre les dynamiques inhérentes de l'EEG durant le fonctionnement cognitif.
Cette méthode est fondée sur un mode de décomposition empirique et a permis de catégoriser les dynamiques de l'EEG pendant différentes phases de sommeil et d'éveil.
Les EEG des phases d’éveil et de sommeil paradoxal semblent identiques et cette méthode a permis de capturer les dynamiques locales différentes durant ces deux états.
J’ai intégré la School of Computational and Integrative Sciences (SCIS) de JNU pour y effectuer mon doctorat. J’ai choisi le laboratoire du Prof. Ramaswamy puisqu’il était lié à mes recherches précédentes et parce que j’étais intéressé par les applications des dynamiques non-linéaires.
Le sujet de mon doctorat était "Les dynamiques collectives et les propriétés émergentes du système neuronal", sujet interdisciplinaire mêlant la neurophysiologie et la modélisation. A l'occasion de ce travail de recherche, j’ai étudié la structure des phases d’éveil et de sommeil chez les rongeurs, leurs régulations neuronales, les facteurs influençant les périodes d’éveil et de sommeil et les pathologies associées.
A cette époque, le Prof. Amitabha Bose, NJIT, USA était en année sabbatique à JNU. Il m’a aidé à développer un modèle mathématique destiné à comprendre les crépitements des périodes de sommeil et d’éveil.
Ce modèle a permis de comprendre comment les états de sommeil et d’éveil émergent à travers l'interaction synaptique de régions associées du cerveau, déclenchant le sommeil paradoxal et sa patho-physiologie associée.
Cela explique plus particulièrement la causalité de l’activation et la désactivation simultanées des neurones REM-ON et REM-OFF pendant la régulation du sommeil
paradoxal, en plus d'autres mécanismes. Ce qui conduit à une question importante : comment les neurones développent une activation cohérente qui a un impact sur la régulation du comportement.
J'ai alors étudié pendant mon doctorat le comportement cohérent de neurones couplés. Puisque dans le cerveau les neurones sont regroupés de façon compacte,
ils partagent leurs connections afférentes. Nous avons étudié comment les neurones synchronisent leur démarrage sous des entrées similaires.
En utilisant des simulations, nous avons prédit que différentes configurations synaptiques (électriques ou chimiques) ont des propriétés de synchronisation .
Pouvez-vous présenter chacun le projet sur lequel vous travaillez au sein du IEC ?
SW : De façon générale, mon projet vise à connaitre les façons dont l'activité intrinsèque du corps est pertinente pour notre activité cognitive.
En d'autres termes, nous allons mesurer comment le milieu électrophysiologique interne du corps influe sur l'activité cérébrale.
L'activité neuronale que l'on peut mesurer depuis l'intérieur du corps, comme le cœur et l'estomac, est en fait assez lente et rythmée
par rapport à l'activité rapide du cerveau. Nous rechercherons le couplage entre cette activité périodique du corps et des changements lents
dans l'activité cognitive, tels que des flottements dans le focus attentionnel. De cette façon, on pourra mieux comprendre comment le cerveau
peut être à la fois autonome et intégré dans un milieu electrophysiologique plus large.
TL : Comment apprenons-nous le sens des mots? Une idée intuitive est que les enfants remarquent qu’un certain mot (par exemple “chien”)
est utilisé quand il y a un objet d’un type particulier dans notre champ visuel (un chien par exemple).
Bien que cette vision soit certainement trop simpliste, elle contient une part de vérité, au moins en ce qui concerne les mots concrets
comme «chien». Mais cela ne fonctionne plus lorsqu’il s'agit de mots abstraits, plus difficiles, comme «croire»,
«tout » ou le verbe «pouvoir », qui ne se réfèrent pas à des objets ; la seule façon d'apprendre leur signification consiste à exploiter les
contextes linguistiques dans lesquels ils sont utilisés.
Dans notre projet, nous étudions une famille de systèmes simples développés en linguistique computationnelle qui visent à accomplir précisément cette tâche :
deviner le sens d'un mot à partir du contexte linguistique dans lequel il est utilisé. Nous développons des tests pour évaluer si ces systèmes
comprennent ces mots de la façon dont les linguistes croient qu'ils devraient les comprendre. Notre but est de comprendre si ces systèmes sont suffisants pour servir de base à un modèle de la connaissance humaine de la signification de ces mots, ou si nous avons
besoin de systèmes plus sophistiqués (et si oui, comment on pourrait construire de tels systèmes).
PJ : Mon projet s’articule autour de l’idée simple que les variations inter-individuelles dans les comportements sociaux,
et qui caractérisent des classes sociales, des sociétés ou des cultures, peuvent être comprises au travers du prisme ‘évolutionnaire’ comme une série
de réponses adaptées aux pressions écologiques auxquelles les individus font face au cours de leur vie (ex., taux de morbidité / mortalité). A partir
de ce point de départ théorique, l’objectif général de ce programme de recherche est de tester si la variabilité intra- et inter-individuelle dans
la motivation à acquérir de nouveaux comportements par l’intermédiaire de l’apprentissage sociale (copier le comportement des autres) peut être
expliquée par une variation des pressions écologiques. Deux objectifs spécifiques se dégagent : 1) comprendre les conditions dans lesquelles les
individus favorisent un mode d’apprentissage social au détriment d’un mode d’apprentissage individuel, et identifier les facteurs écologiques qui
déterminent ce trade-off ; 2) étudier l’impact de ces facteurs sur les propriétés anatomo-fonctionnelles du cerveau.
RK : Mon projet tend à comprendre le mécanisme neuronal sous-jacent à la discrimination de stimuli temporels dans le cortex auditif.
Cela implique à la fois des expériences et de la modélisation.
Les recherches précédentes sur le sujet montrent que le codage neuronal dans le cortex auditif dépend fortement de l'état comportemental de l'animal. Par exemple,
dans des tâches de discrimination auditive durant laquelle les animaux différencient des trains de clicks de différentes fréquences, deux types de
codages sont apparus. Lorsque l'animal écoute les sons passivement, l'activité neuronale représente les propriétés physiques du stimulus.
Par contre, lorsque l'animal écoute activement les stimuli, l'activité neuronale représente plutôt la catégorie du stimulus.
L'un des objectifs du projet est de trouver les mécanismes sous-jacents à ces deux modes computationnels. Nous prévoyons de poursuivre cela
en utilisant un réseau générique de neurones excitateurs-inhibiteurs dans lequel le réseau peut distinguer les stimuli temporels en des modes d'activités
spatiaux différents. De même, nous souhaitons étudier d'autres mécanismes alternatifs tels que des spectrogrammes comparatifs des deux stimuli. Une fois que le modèle montre des propriétés
input-output robustes, on purra l'utiliser pour tester expérimentalement différents types de stimuli dans des animaux.
Vous travaillez sous la direction de deux chercheurs appartenant aux équipes de l’IEC.
Pouvez-vous les présenter et nous expliquer comment s’organise cette collaboration ?
SW : Jérome Sackur est Directeur d'Etudes au Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique, spécialiste en psychologie
cognitive et philosophe avec un intérêt particulier pour la conscience, la cognition visuelle, l’histoire et l’épistémologie de la psychologie.
Catherine Tallon-Baudry est Directrice de Recherche au Laboratoire de Neurosciences Cognitives. Elle est experte en cognition visuelle et dirige une équipe qui fait des découvertes étonnantes sur les interactions électrophysiologiques cerveau-corps. Je peux dire que notre collaboration se passe tout à fait naturellement. J’ai même la liberté d’explorer mes propres domaines de recherche.
TL : Je travaille avec Benjamin Spector, linguiste à l’Institut Jean Nicod, et Emmanuel Dupoux qui dirige l’équipe
de modélisation au LSCP. Notre collaboration passe par des réunions hebdomadaires avec chacun d’entre eux et parfois tous ensemble.
Benjamin a surtout travaillé en sémantique formelle théorique, un domaine qui vise à formaliser le sens des mots complexes des
langues naturelles tels que “savoir” et “pouvoir”, en utilisant les outils de la logique mathématique. Il a aussi testé par des méthodes expérimentales
les conséquences cognitives de certaines de ces théories formelles, en collaboration avec des psycholinguistes.
Emmanuel développe des modèles computationnels d’acquisition du langage : son équipe cherche à créer des programmes informatiques qui
apprennent le langage de la même façon que l’être humain.
La majeure partie de son travail concerne l’acquisition des phonèmes. Il a commencé depuis peu à s’intéresser
également au sens des mots, et c'est dans ce contexte que s'inscrit mon projet.
PJ : Coralie Chevallier est psychologue expérimentaliste au Laboratoire de Neurosciences Cognitives et est attachée, en tant que chargée de
recherche, à l’équipe ‘Cognition Sociale’ dirigée par Julie Grèzes. Elle est également co-responsable du groupe
‘Evolution et Cognition Sociale’. Elle applique dans ses recherches la pensée évolutionnaire pour mieux comprendre la cognition sociale chez l’humain. Elle s’intéresse plus particulièrement aux aspects cognitifs, comportementaux, et psychopathologiques de la cognition sociale (motivation sociale et récompense, théorie de l’esprit, communication et pragmatique, réputation and coopération).
Valérian Chambon est spécialiste en neuroscience cognitive, et dédie ses travaux aux thématiques de l’action et de la prise de décision. Il a récemment intégré l’Institut Jean Nicod en tant que chargé de recherche. Ces intérêts de recherche portent notamment sur le contrôle (cognitif et moteur) de l’action, la prédiction des actions (mentalisation, simulation, inférence causale), l’expérience de l’action (agentivité, sens de la causation, regret), la modélisation computationnelle, la psychopathologie (schizophrénie, autisme), et la neuroimagerie (fMRI, TMS).
Coralie Chevallier supervisera plus particulièrement la réalisation de la partie sur le trade-off entre les modes d'apprentissage social et individuel
lors de la première année de mon post-doc, et Valérian Chambon celle sur les propriétés anatomo-fonctionnelles du cerveau lors de la deuxième année.
RK : Je travaille sous la supervision conjointe de Shihab Shamma au Laboratoire des Systèmes Perceptifs et de Srdjan Ostojic au GNT/LNC.
Le domaine de recherche de Shihab est large. Il s’étend du traitement neurophysiologique du cortex auditif à la perception humaine des sons.
Shiahb Shamma a beaucoup travaillé sur la compréhension des mécanismes du processus auditif, en particuliers chez les furets.
Il a un intérêt particulier pour la recherche et encourage l’autonomie de pensée. Une simple ballade avec lui dans les rues de Paris devient source de motivation.
Srdjan au sein de l'équipe Group for Neural Theory du LNC, travaille sur les neurosciences théoriques.
Son domaine de recherche est lui aussi vaste, de la prise de décision à la plasticité synaptique et la dynamique de réseaux. Sa
façon de travailler est aussi très motivante.
Je discute très souvent avec les post doctorants Yves Boubenec et Sundeep Teki des données enregistrées par le laboratoire de Shihab afin d'avoir une idée du codage précis fait par le cortex auditif.
En ce moment, je suis en train de développer le modèle de base en adéquation avec les travaux précédents.
L’interdisciplinarité offerte par l’IEC a-t’elle été décisive dans vos choix de rejoindre l’Institut?
SW : Tout à fait ! Bien sur, la science moderne est forcément interdisciplinaire. Cependant, le fait que cela le soit de façon très explicite était important pour moi. En premier lieu, on ne se sent pas coupé du reste du monde scientifique. Cela nous rappelle en permanence que l’on n’est pas – et ne peut pas être – un expert sur tous les sujets et que l’on a besoin du savoir et de l’expertise de chacun. L'équipe est déjà très multidisciplinaire, avec une très belle cohésion de projets individuels autour de questions de recherche communes. Mon projet semble s’y inscrire parfaitement.
TL : Absolument ! Et ce qui m'excite particulièrement, ce sont les projets qui se situent à l’intersection de la linguistique,
la psychologie
et l’informatique. Ce projet semblait offrir une excellente opportunité pour explorer les interactions possibles entre, d'une part, la
linguistique et les modèles computationnels en sciences cognitives, et, d'autre part, l’apprentissage automatique. Comment les résultats des approches
computationelles peuvent-ils contribuer à la linguistique ? Cela est-il nécessaire ?
Dans l'autre sens, comment évaluer dans quelle mesure les systèmes d'intelligence artificielle
intègrent le savoir linguistique humain, tel que les linguistes et les psycholinguistes le caractérisent ?
PJ : Oui, complètement, et pour plusieurs raisons. Comme vous l’aurez peut-être noté, mon expérience académique est
plutôt ‘interdisciplinaire’, bien que dans mon cas le terme ‘chaotique’ pourrait également être approprié. Je crois
sincèrement que l’interdisciplinarité est, en elle-même, une manière de faire de la science qui résonne profondément avec
ma propre psychologie. Je pense que c’est une première raison qui peut expliquer pourquoi j’ai été si motivé à l’idée de prendre
part à ce projet. Par ailleurs, c’est le genre de projet qui ne peut pas être réalisé sans le concours de compétences techniques
et théoriques qui, autant que mon expérience me permet de le dire, sont plus que rarement réunies au sein d’une même équipe voire
d’un même laboratoire. Quoi qu’il en soit, l’interdisciplinarité c’est le présent et l’avenir des sciences biologiques. L’époque
des savants omniscients est révolue. Peut-être qu’aujourd’hui les scientifiques sont individuellement moins compétents que leurs
illustres prédécesseurs du XIXème siècle pouvaient être, mais ils sont bien plus nombreux !
RK :
Absolument! J’ai toujours voulu faire un post-doctorat dans un domaine de recherche interdisciplinaire. A ma connaissance,
l’interdisciplinarité est la caractéristique principale de l’IEC. C’est fascinant de travailler en collaboration étroite avec des
“expérimentalistes” et des théoriciens. Nous discutons régulièrement les données neurophysiologiques enregistrées et réfléchissons aux mécanismes associés.
Même si je ne suis arrivé que récemment, je me sens déjà complétement intégré. C’est formidable de travailler ainsi !
Quels sont vos projets pour le futur ?
SW : Je suis arrivé il y a un petit peu plus d’un mois et à ce stade je me concentre sur le présent et le futur proche.
Je souhaite cependant apprendre le français, ce qui est très certainement un objectif à long terme !
TL : Dans le futur, je compte avoir mon propre laboratoire de psycholinguistique computationnelle.
J’encadrerai des étudiants brillants et enthousiastes qui conduiront des expériences destinées à comprendre
comment fonctionne le langage dans l’esprit et le cerveau humain, et des expériences sur des sujets humains et des ordinateurs
pour contribuer à rendre les ordinateurs plus semblables à l'être humain.
PJ : Simplement continuer à faire ce que je fais depuis mon arrivée au IEC,
si possible avec les mêmes personnes, et tout ça aussi longtemps que je pourrai.
RK : Mon projet est de poursuivre mon travail dans la recherche interdisciplinaire en neurosciences.
Je suis surtout intéressé par comprendre comment les neurones codent des traces de la mémoire
au cours d'une tâche comportementale complexe et comment cela est impliqué dans l'élaboration des schémas
spectro-temporels. Je voudrais continuer à concevoir des expériences comportementales et simultanément
enregistrer des données neurophysiologiques pour étudier les mécanismes inhérents impliqués.
PORTRAIT
Alessandro Pignocchi, des sciences cognitives à la BD
Post-doctorant à l'IJN en 2013-2014 au sein de l'équipe Cognition Sociale de l'IJN, Alessandro Pignocchi a étudié les mécanismes psychologiques qui sous-tendent l’appréciation des œuvres d’art. Il publie en 2012 "L’Œuvre d’art et ses intentions" et en 2015 "Pourquoi aime-t-on un film ? Quand les sciences cognitives discutent des goûts et des couleurs" chez Odile Jacob.
Alessandro Pignocchi dessine depuis son plus jeune âge. Il y prend tellement de plaisir qu’il hésite après le bac, entre un cursus artistique ou scientifique. Il choisit finalement la biologie et continue pendant un certain temps l’illustration en parallèle. Il arrête finalement de dessiner pendant sa thèse sur le dessin. “J’ai arrêté parce que je n’avais rien à dire”.
L’inspiration lui viendra un peu plus tard, à la lecture boulversante des "Lances du crépuscule” de Philippe Descola. Son post-doctorat à l’IJN terminé, il décide de partir à son tour séjouner chez les Indiens Achuar, 40 ans après l’anthropologue français, pour confronter à la réalité les fantasmes qu’avait fait naître en lui la lecture du récit de Descola. C’est à travers la bande-dessinée qu’il racontera son expérience.
Il renoue ainsi avec l’illustration. “Anent, Nouvelles des Indiens jivaros” est parue le 13 janvier dernier.
Alessandro Pignocchi est aussi l'auteur du blog Puntish, une occasion d'imaginer à quoi ressemblerait le monde si nos dirigeants avaient adopté la cosmogonie animiste
des Indiens d'Amazonie.
MEDIAS
Scott Attran (IJN) : l’homme qui a compris les terroristes
Comment devient-on terroriste et comment peut-on cesser de l’être ? Quelle anthropologie du terrorisme s’écrit aujourd’hui et
peut-elle permettre d’enrayer ce phénomène mondial en l’expliquant ? Sommes-nous prêts à comprendre les racines du terrorisme
pour aller au-delà du seul esprit de revanche, ou bien faut-il penser qu’expliquer le terrorisme, c’est déjà « un peu l’excuser » ?
Guillaume Erner a reçu Scott Atran dans le cadre de « L’invité des matins » le 18 janvier dernier.
Ecouter le podcast
La réputation scientifique, une course infernale - Gloria Origgi
Éloges, critiques, opinions et épithètes, récits et anecdotes : tout ce que l’on dit de vous lorsque vous êtes absent contient l’embryon d’une réputation. Si elle se fixe et se partage dans un réseau de collègues, de voisins ou de relations, ce sera cette image qu’un inconnu, même sans vous rencontrer, aura de vous. Aujourd’hui, cet objet difficile à contrôler n’est plus seulement le nom des commérages à la veillée et des propos de salons. Que ce soit par médias interposés, ou plus encore, par l’accès direct et potentiellement illimité aux réseaux numériques, les réputations qui se font ne ressemblent plus aux précédentes. Au moindre clic sur Internet, chaque personne, chaque produit, chaque acteur du marché peut être évalué, sollicité, « liké » ou « disliké », et sa réputation devenir « virale ». La médaille a comme toujours deux faces : celle de la célébrité à portée de main et celle du « bad buzz » catastrophique. Mieux vaut en connaître les règles.
Neurosciences et changement climatique
Etienne Koechlin (LNC/ENS) aborde les notions de prise de décision et de déni face aux conséquences connues du changement climatique dans le documentaire
"Deux degrès avant la fin du monde" diffusé sur France 4 en novembre 2015 et disponible sur youtube. Ce programme spécial diffusé à l'occasion de la COP21
a pour vocation de présenter à un public "jeunes adultes" les dernières découvertes de la science climatique et les mécanismes de la conférence
de Paris. Ce documentaire s'inscrit dans la continuité d'esprit du programme court intitulé #Datagueule, programme co-produit par France 4, avec
un fort accent sur trois axes : informations hyper sourcées, propos analytique et explicatif et ton impertinent et malicieux.
Voir "Deux degrès avant la fin du monde"
AUDIO/VIDEO
Stress et cognition
La conférence de Jérome Sackur (LSCP) "Stress et cognition" dans le cadre de la semaine du cerveau 2015 à l'ENS est désormais en ligne sur le site des SavoirsENS.
Le stress est une réponse normale à une situation perçue comme exigeante ou dangereuse. Les effets physiologiques sont nombreux et bien étudiés.
Jérome Sackur présente les effets cognitifs, notamment sur la prise de décision. De manière générale, la psychologie et les neurosciences du stress montrent
que lorsque nous sommes stressés, notre attention se focalise sur le monde extérieur et nos comportements se recentrent sur nos automatismes.
Voir la vidéo de la conférence
Tables rondes COP21 : sciences cognitives et écologie
L'association Scalp ! en collaboration avec la DEC avait organisée en décembre 2015 cinq tables rondes à l'occasion de la COP21.
Deux d'entre elles ont été enregistrées et mise en ligne sur le site des Savoirs ENS:
- la conférence de Jennifer Jacquet (Université de New-York) et de Gloria Origgi (IJN) : "Can shame save the earth?"
Partie I
Partie II
- la table-ronde réunissant Pierre-Louis Choquet (psychologue clinicien) et Albert Moukheiber (doctorant, Université d'Oxford) : "Destruction environnementale : prise de responsabilité et dissonance cognitive"
Ecouter la conférence
EVENEMENT
1ère Journée portes ouvertes de l'ENS
L’Ecole normale supérieure organise sa 1ère « journée portes ouvertes » en direction des élèves de lycées,
de classes préparatoires et des étudiants des universités samedi 13 février.
Cette journée a pour objectif de faire connaître l’école, ses voies d’accès, ses formations, ses débouchés.
Au programme : visite de l’école, tables rondes,rencontre avec les directeurs des études des départements, avec des enseignants, des élèves, projections.
Il sera possible de venir à la rencontre des enseignants-chercheurs du DEC à la bibliothèque de Maths au 45 rue d'Ulm entre 10:30 à 11:30 et 14:30 à 15:30.
Site web
QUELQUES PUBLICATIONS RECENTES
El Zein M., Wyart V., Grèzes J., Anxiety dissociates the adaptive functions of sensory and motor response enhancements to social threats. Elife
Abstract:
Efficient detection and reaction to negative signals in the environment is essential for survival. In social situations, these signals are often
ambiguous and can imply different levels of threat for the observer, thereby making their recognition susceptible to contextual cues – such
as gaze direction when judging facial displays of emotion. However, the mechanisms underlying such contextual effects remain poorly understood.
By computational modeling of human behavior and electrical brain activity, we demonstrate that gaze direction enhances the perceptual sensitivity
to threat-signaling emotions – anger paired with direct gaze, and fear paired with averted gaze. This effect arises simultaneously in ventral
face-selective and dorsal motor cortices at 200 ms following face presentation, dissociates across individuals as a function of anxiety, and
does not reflect increased attention to threat-signaling emotions. These findings reveal that threat tunes neural processing in fast, selective,
yet attention-independent fashion in sensory and motor systems, for different adaptive purposes.
Interview de Marwa El Zein sur BBC Radio
AGENDA
9 février 2016
Séminaire PaCS
H. Haroutioun Haladjian (Western Sydney) : "Consciousness and Attention"
10 février 2016
Séminaire Mind & Langage (IJN)
Michele Palmira (Barcelona, LOGOS) : "Propositions and Arbitrary Reference"
11 février 2016
Séminaire EHESS (IJN)
François Recanati (IJN) : "Polyphony in speech act theory"
12 février 2016
Séminaire Aesthetics and Cognitive Science
Alberto Voltolini (Turin) : "Twofoldness and Threelayeredness"
12 février 2016
Séminaire du groupe philosophie expérimentale (IJN)
Thomas Pölzler (Univ. of Graz, Austria) : "How to measure moral realism"
13 février 2016
Soutenance de thèse
Thibaut Giraud (EHESS) -"Il y a des choses qui n'existent pas. En défense d'un meinongianisme logiquement cohérent et ontologiquement économe"
15 février 2016
Séminaire EHESS (IJN)
Pascal Engel (Dir. D’Etudes - EHESS) : "La fable de l’injustice épistémique"
15 février 2016
Séminaire Compas (IJN)
Emmanuel Sander (Université Paris 8) : "Analogies, éducation, conceptions du maitre et de l'élève"
16 février 2016
Colloquium du DEC
Dan Dediu : "Language as shaped by non-linguistic forces (including genes and vocal tract anatomy)"
17 février 2016
Séminaire Mind & Language (IJN)
Tom Avery (IJN) : "Characterising Consciousness"
18 février 2016
Séminaire EHESS
François Recanati (IJN) : "Polypony in speech act theory"
19 février 2016
Séminaire Doc'In Nicod
Tomoo Ueda : "A linguistic understanding of the unity problem"
19 février 2016
Groupe de travail "Philosophie Expérimentale"
Nicolas Porot (CUNY) : "New (preliminary) data on reference : Causal historical theories better predict usage than classical descriptivist theories"
29 février 2016
Séminaire EHESS
Pasquale Pasquino (Law School, NYU et CNRS) : "Sources de l’autorité politique (dans les démocraties constitutionnelles)"
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